CHAPITRE XXX
Dans le Complexe de la Gueule, un des hommes de Wedge s’était assez familiarisé avec les systèmes pour déclencher l’alerte. Dans l’intercom, une voix criait :
– Alerte rouge ! Un destroyer impérial est entré dans le secteur. Alerte rouge ! Tout le monde aux postes de combat.
Antilles et Qwi Xux venaient juste d’apercevoir le Gorgone à travers la baie d’observation de l’ancien laboratoire de la jeune femme. Le gigantesque vaisseau avait pris position à portée de tir du groupe de planétoïdes.
– Mon Dieu ! gémit 6PO. Moi qui croyais que nous étions en sécurité ici.
Wedge prit la main de Qwi.
– Viens. Allons dans la salle de contrôle.
Ils coururent dans les couloirs, Qwi faisant de son mieux pour se souvenir du chemin, mais n’y parvenant pas toujours.
Ses servomoteurs tournant au maximum, 6PO les suivait avec quelque difficulté.
– Attendez-moi ! Oh ! pourquoi faut-il toujours que les choses tournent à la catastrophe ?
Une fois dans la salle, Wedge fut soulagé de voir qu’une dizaine de ses hommes l’avaient précédé, s’occupant déjà de prendre possession des consoles. Une partie des ordinateurs étaient en panne, mais l’essentiel de l’équipement fonctionnait, les senseurs crachant un flot de données sur les écrans.
Wedge posa les mains sur les épaules de Qwi et l’attira contre lui, rivant son regard sur le sien.
– Qwi, essaye de te rappeler ! De quelles défenses dispose le Complexe ? La jeune femme indiqua du doigt le navire visible sur l’écran principal, – Voilà les seules défenses du centre, dit-elle. Nous dépendions entièrement de la flotte de l’amirale Daala.
Elle s’approcha d’une des consoles éteintes et utilisa son clavier musical pour y introduire son code personnel. Avec un peu de chance, elle pourrait passer outre les circuits endommagés et entrer dans un des programmes maîtres.
– Nous avons cependant des boucliers, expliqua la scientifique. Il faudrait augmenter leur puissance.
Cinq techniciens vinrent l’aider. S’ils parvenaient à accéder aux commandes des générateurs, dériver la puissance vers les boucliers serait un jeu d’enfant.
Au bout d’un moment, un des hommes dit :
– C’est fait ! Ils peuvent venir, nous aurons de quoi résister à un assaut. Mais… général, je n’aime pas ça du tout. Le réacteur principal est déjà instable, et nous lui demandons un effort considérable. Ça revient peut-être à signer notre arrêt de mort.
Wedge interrogea Qwi du regard, puis se tourna vers ses subordonnés.
– Si on ne fait rien, c’est la mort dans les minutes qui viennent… Nous avons pris tout ce qui avait de l’intérêt. Préparez les vaisseaux. Je crois que l’heure est venue de quitter le Complexe.
– Daala ne nous laissera pas faire, s’inquiéta Qwi. Nous avons découvert trop de secrets.
Soudain, Wedge écarquilla les yeux. Il venait de se souvenir d’un affreux détail.
– Bon sang, nous avons pris le système de refroidissement d’une corvette pour pallier la panne des générateurs ! Un de mes vaisseaux est immobilisé !
Il s’approcha de la console des communications et appela la corvette en question.
– Capitaine Ortola, tous vos chasseurs doivent rejoindre le hangar du Yavaris. Evacuer aussi votre équipage. Sans propulsion, vous êtes une cible de choix !
– Bien compris, monsieur, dit l’officier.
Sur l’écran principal trapézoïdal, au fond de la pièce, s’afficha le visage de l’amirale Daala. Ses yeux semblaient des lasers jumelés pointés sur le cœur de Wedge.
– Vermine de Rebelles, vous ne quitterez pas la Gueule vivants ! A cause de vous, ce centre de recherches ne sert plus à rien à l’Empire. Inutile d’essayer de vous rendre… Je veux vous détruire !
L’Impériale coupa la communication avant qu’Antilles ait pu répondre. Le cœur battant la chamade, le général se tourna vers Qwi :
– Tu es sûre qu’il n’y a aucune arme à notre disposition ? Bon sang, ça paraît impossible…
– Attends ! s’exclama la scientifique. Chewbacca et une équipe d’élite sont allés libérer les esclaves wookies. Dans le hangar où ils travaillaient, il y avait toujours plusieurs navettes d’assaut en réparation, et même des chasseurs. Tu crois que ça pourrait nous être utile ?
Un des hommes de Wedge claqua des doigts.
– Des navettes d’assaut ? De la classe gamma, je suppose ? (Qwi acquiesça.) Ça n’a rien d’extraordinaire, mais le blindage et l’armement sont corrects. Je dirais que ça vaut une bonne dizaine de nos chasseurs. Une force d’appoint à ne pas négliger… Daala n’a plus qu’un vaisseau, mais sa puissance de feu reste largement supérieure à celle de notre flotte.
L’homme baissa les yeux sur la liste affichée sur un écran.
– C’est bien ce que je craignais, général. Ce sont de vieux modèles. Il faut un astrodroïd pour les piloter, en particulier dans un environnement aussi délicat. On devrait pouvoir se débrouiller avec un seul robot relié à tous les systèmes de navigation.
A cet instant, dans un grand bruit de ferraille, 6PO entra dans la salle de contrôle.
– Ah ! je vous retrouve enfin, soupira-t-il.
Tous les regards se tournèrent vers le droïd, qui en eût frémi s’il l’avait pu.
6PO avançait en gesticulant, négociant avec peine la rampe abrupte qui donnait accès au hangar des navettes.
– J’aimerais bien savoir pourquoi tout le monde me traite comme si j’étais un vulgaire objet !
Chewie lui répondit d’un grognement. Le droïd doré s’indigna de plus belle.
– Ça n’a rien à voir ! En réalité, je…
Le Wookie s’empara du droïd et le porta jusqu’au pied de la rampe d’embarquement d’une navette. Les Wookies et les hommes de la Nouvelle République s’affairaient autour des cinq engins restant dans le hangar. Entretenus par les prisonniers, tous étaient en parfait état de marche.
Des bruits sourds indiquèrent que l’amirale Daala avait ouvert le feu. Chewie et ses compatriotes regardèrent le plafond en poussant des grognements sauvages.
Un peu de poussière leur tomba sur le crâne.
– Je sais que je regretterai de m’être laissé embarquer dans cette histoire, grommela 6PO. Je ne suis pas fait pour ce genre de travail. Je peux servir d’ordinateur de navigation, à la rigueur. Mais je ne connais rien en tactique militaire, et…
Chewie l’ignora et commença à gravir la rampe. Voyant que ses jérémiades n’avaient pas d’effet, le droïd le suivit.
– Mais comme je dis toujours, pour autant que je suis utile…
Les autres Wookies, y compris le vieux Nawruun, prirent place aux postes de combat, prêts à réduire en miettes les chasseurs Tie.
Chewie s’assit dans le fauteuil de commandement de la navette – trop petit pour lui, comme toujours – et fit signe au droïd de prendre place à côté de lui.
– Eh bien, puisque tu y tiens, dit le 6PO en se laissant tomber dans le siège du copilote.
Il commença à inspecter l’ordinateur, tentant de déterminer le meilleur moyen de communiquer avec lui.
D’autres explosions retentirent, signe que l’attaque de Daala se faisait plus violente. Bientôt, assourdi par le bruit des moteurs, Chewie ne les entendit plus.
Le Wookie activa les répulseurs de la navette, qui s’éleva d’un bon mètre au-dessus du sol. De main de maître, il la guida à l’intérieur du corridor de lancement, les autres engins le suivant. Derrière eux, le champ de force retenant l’atmosphère se leva. Presque aussitôt, les portes donnant sur l’espace s’ouvrirent.
6PO était connecté aux ordinateurs de navigation des cinq navettes, qui se lancèrent dans le vide les unes derrière les autres.
– C’est une expérience assez excitante, commenta le droïd.
Chewie poussa son appareil au maximum. Dans l’espace, des essaims d’ailes B se préparaient à défendre le Complexe. Le Yavaris avait ouvert le feu sur le Gorgone, qui n’en continuait pas moins à canarder les boucliers des planétoïdes.
Des chasseurs Tie s’apprêtaient à entrer dans la danse.
Chewie activa l’armement de la navette, 6PO se connectant au programme tactique préétabli.
Comme un vol d’oiseaux pêcheurs, les cinq navettes plongèrent au cœur de la bataille spatiale qui faisait déjà rage.
– Misère ! gémit le droïd doré.